Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/93

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criture méconnaissable. Sur une des cartes on avait écrit : A qui doit-on sa première éducation ? A sa nourrice, était la réponse. Sous la réponse on avait écrit : Et la seconde ? Réponse : Au hasard. Et la troisième ? A l’amour — C’est vous qui avez écrit cela, me dit quelqu’un de la compagnie. — Je consens, dis-je, qu’on le croie, car cela est joli. M de *** regarda Cécile. — Celle qui l’a écrit, dit-il, doit déjà beaucoup à sa troisième éducation. Cécile rougit comme jamais elle n’avait rougi. — Je voudrais savoir qui c’est, dit le petit lord. — Ne serait-ce point vous-même ? Lui dis-je. Pourquoi veut-on que ce soit une femme ? Les hommes n’ont-ils pas besoin de cette éducation tout comme nous ? C’est peut-être mon cousin le ministre. — Dis donc, Jeannot, dit sa mère ; je le croirais assez, puisque cela est si joli. — Oh non ! Dit Jeannot, j’ai fini mon éducation à Bâle. Cela fit rire, et le jeu en resta là. En rentrant chez moi, Cécile me dit : ce n’est pas moi, maman, qui ai écrit la réponse. — Et pourquoi donc tant rougir ? Lui dis-je. — Parce que je pensais… parce que, maman, parce que… je n’en appris, ou du moins elle ne m’en dit pas davantage.


ONZIÈME LETTRE


Vous voulez savoir si Cécile a deviné juste sur le compte de mon ami l’Anglais. Je ne le sais pas, je n’y pense pas, je n’ai pas le temps d’y prendre garde.

Nous fûmes hier dans une grande assemblée, au château. Un neveu du baillif, arrivé la veille, fut présenté par lui aux femmes qu’on voulait distinguer. Je n’ai jamais vu un homme de meilleure mine. Il sert dans le même régiment que mon parent. Ils sont amis ; et, le voyant causer avec Cécile et moi, il se joignit à la conversation. En vérité,