Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/285

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se présente Vous ne pouvez rien cacher de votre esprit sans y perdre, me dites-vous. Eh ! qu’est-ce que j’y perdrai, je vous en prie ? J’espère ne jamais passer pour un imbécile ; mais, du reste, que m’importe que l’on dise : Il afait beaucoup de l’esprit, ou il afait métiokrement de l’esprit ? Croyez-vous qu’en ne paraissant pas un aigle, je paraîtrai beaucoup au-dessous de tous les oisons d’alentour ? Croyez-vous qu’en me montrant autant aigle que je puis, j’en sois beaucoup plus recherché par ces oisons ? Croyez-vous enfin que l’opinion que j’ai de moi-même dépende beaucoup de celle que l’on aura de moi à la cour ? Je vous l’ai dit il y a longtemps, je ne veux point faire sensation, je veux végétailler décemment. Cependant je vous dirai bien en confidence que je ne suis pas parvenu à un atmosphère bien imposant[1]. Il y a quelques jours que la duchesse, en parlant du service de gentilhomme de la chambre, qui ne consiste qu’à faire asseoir les gens selon leur rang, dans l’absence du grand-maréchal, dit à mon grand étonnement et scandale : « Ce sera bien drôle de voir Constant faire son service. » Que diable y aura-t-il donc de si drôle ?…


Au milieu de ces sottes fonctions, de ses ennuis, de ses bavardages épistolaires, il se remet à l’étude ; car, qu’on ne l’oublie pas, l’étude a toujours ses heures réservées au fond de ces existences qui plus tard marqueront ; il avait entrepris une Histoire de la Civilisation en Grèce, il relit ses classiques sur le conseil de madame de Charrière, laquelle les lisait elle-même dans les textes, au moins les latins. La lettre se termine ainsi par une dernière feuille datée du 17 au matin :

  1. Il se trompe de genre pour atmosphère, comme le font, au reste, beaucoup de Français eux-mêmes.