n’y a aucun inconvénient que les deux meurent, et la
troisiesme demeure immortelle. L’unité semble
resister à l’immortalité ; car comment une mesme indivisible pourra-t-elle estre en partie mortelle et en
partie immortelle ? comme semble toutesfois avoir
voulu Aristote. Certes il semble par necessité qu’elle
soit ou du tout mortelle ou du tout immortelle, qui
sont deux très lourdes absurdités : la première abolit
toute religion et saine philosophie ; la seconde faict
aussi les bestes immortelles. Neantmoins est bien plus
vray-semblable qu’il n’y a qu’une ame en chasque animal,
la pluralité et diversité des facultés, instrumens,
actions n’y deroge point, ny ne multiplie en rien cette
unité, non plus que la diversité des ruisseaux l’unité
de la source et fontaine, ny la diversité des effects
du soleil, eschaufer, esclairer, fondre, secher, blanchir, noircir, dissiper, tarir, l’unité et simplicité du soleil, autrement il y auroit un très grand nombre
d’ames en un homme, et de soleils au monde : et
cette unité essentielle de l’ame n’empesche point l’immortalité de l’humaine en son essence, encores que
les facultés vegetative et sensitive, qui sont accidens,
meurent, c’est à dire ne puissent estre exercées hors
le corps, n’ayant l’ame subject ni instrument pour ce
faire, mais si faict bien tousjours la troisiesme intellectuelle ;
car pour elle, n’a point besoing de corps ;
combien qu’estant dedans iceluy, elle s’en sert pour
l'exercer : que si elle retournoit au corps, elle
retour-
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