et de crainte ; se venger c’est le battre, le faire bouquer
[1], et non pas l’achever ; le tuant, l’on ne lui faict pas ressentir son courroux, qui est la fin de la
vengeance. Voilà pourquoy l’on n’attaque pas
une pierre, une beste, car elles sont incapables
de gouster nostre revanche. En la vraye
vengeance il faut que le vengeur y soit pour
en recevoir du plaisir ; et le vengé pour sentir
et souffrir du desplaisir et de la repentance.
Estant tué il ne s’en peust repentir, voire il est
à l’abry de tout mal, ou au rebours le vengeur
est souvent en peine et en crainte. Tuer
donc est tesmoignage de couardise et de crainte
que l’offensé se ressentant du desplaisir, nous
recherche de pareille : l’on s’en veust defaire
du tout ; et ainsi c’est quitter la fin de la
vengeance, et blesser sa reputation ; c’est un tour
de precaution, et non de courage ; c’est y
proceder seurement, et non honorablement. Qui occidit longè non ulciscitur, nec gloriam assequitur
[2].
Advis et remedes particuliers contre ce mal sont liv. III, chap. XXXIV.
- ↑ Le faire bisquer, prendre la chèvre (la bique) ; ce qui prouve que bouquer vient de bouc, comme bisquer vient de bique. Ce mot est donc mal expliqué dans le Glossaire de la langue romane, par gronder, bouder, murmurer, embrasser avec force ; il ne vient pas de bucca, bouche, comme il est dit dans ce glossaire.
- ↑ « Celui qui tue ne savoure pas longuement la vengeance, et n'acquiert pas la gloire ».