passent en cet endroict, nous en surpassons
plusieurs autres. L’usage du manger est
aussi en eux et en nous tout naturel et sans
instruction. Qui doubte qu’un enfant arrivé à
la force de se nourrir, ne sceust quester sa
nourriture ? Et la terre en produict et luy en
offre assez pour sa necessité, sans autre culture
et artifice, tesmoins tant de nations, qui,
sans labourage, industrie et soin aucun, vivent
plantureusement
[1]
. Quant au parler, l’on
peust bien dire que s’il n’est point naturel, il
n’est point necessaire : mais il est commun à
l’homme avec tous animaux. Qu’est-ce autre
chose que parler, cette faculté que nous leur
voyons de se plaindre, se resjouïr, s’entr’appeller
au secours, se convier à l’amour ? Et comme
nous parlons par gestes et mouvement des
yeux, de la teste, des mains, des espaules
(en quoy se font sçavans les muets), aussi
font les bestes, comme nous voyons en celles
qui n’ont pas de voix, lesquelles toutesfois
s’entrefont des offices mutuels ; et comme à
certaine mesure les bestes nous entendent,
aussi nous les entendons. Elles nous flattent,
nous menacent, nous requierent, et nous
elles. Nous parlons à elles, et elles à nous ; et si
nous ne nous entr’entendons parfaictement, à
qui tient-il ? à elles ou à nous ? C’est à
deviner. Elles nous peuvent bien estimer bestes
par ceste raison, comme nous elles : mais encore
- ↑ Abondamment.