L’homme a bien à la verité grande preeminence par dessus les bestes, ut præsit piscibus maris, volatilibus
cœli, bestiis terræ.
[1].
Et c’est à cause de sa belle et droicte
forme, de sa sagesse et prerogative de son esprit ;
mais non pas qu’il leur commande, ny
qu’elles luy obéïssent.
Il y a encore un autre advantage voisin de cestuy-ci, pretendu par l’homme, qui est une pleine liberté, reprochant aux bestes la servitude, captivité, subjection ; mais c’est bien mal à propos. Il y a bien plus de subject et d’occasion de le reprocher à l’homme, tesmoins les esclaves non seulement faicts par force, et ceux qui descendent d’eux, mais encore les volontaires, qui vendent à purs deniers leur liberté, ou qui la donnent de gayeté de cœur, ou pour quelque commodité, comme les escrimeurs anciens à outrance, les femmes à leurs dames, les soldats à leurs capitaines. Or il n’y a rien de tout cela aux bestes : elles ne s’asservissent jamais les unes aux autres ; ne vont point à la servitude, ny activement, ny passivement, ny pour asservir, ny pour estre asservies ; et sont, en toutes façons, plus libres que les hommes. Et ce que l’homme va à la chasse, prend, tue, mange les bestes ; aussi est-il prins, tué, mangé par elles à son tour, et plus noblement, de vive force, non par finesse, et
- ↑ « Pour dominer sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et les animaux de la terre ». Gen. I, 26.