dissolution, intemperance, et
tout desreiglement de mœurs, comme a esté
dict et monstré cy-dessus en la comparaison
de luy avec les bestes ; tellement que, comme
je demandois tantost à quoy serviroit une plus
longue vie, maintenant je dis : et quels maux
au monde si la vie de l’homme estoit fort
longue ? Que n’entreprendroit-il, puis que la
brefveté qui luy coupe le chemin et luy rompt
le dé, comme l’on dict, et l’incertitude d’icelle
qui oste tout courage, ne le peust arrester,
vivant comme s’il avoit tousiours à vivre ? Il
craint bien d’une part se sentant mortel ; mais
il ne se peust tenir de convoiter, esperer,
entreprendre comme s’il estoit immortel :
Tanquam sentper victuri vivitis, numquam vobis
fragilitas vestra succurrit : omnia tanquam mortales
timetis, tanquam immortales concupiscitis
[1].
Et puis, qu’a besoin nature de
toutes ces belles et grandes entreprinses et
occupations pour lesquelles tu penses t’appartenir
une plus longue vie qu’ à tous animaux ? Il n’y
a donc poinct de subject à l’homme de se plaindre, mais bien de se courroucer contre luy : nous avons assez de
vie, mais nous n’en sommes pas bons mesnagers ;
elle n’est pas courte, mais nous la faisons :
nous n’en sommes pas necessiteux, mais prodigues,
non inopes vitæ, sed
- ↑ « Vous vivez comme si vous deviez toujours vivre, vous ne songez jamais à votre fragilité ; comme mortels, vous craignez tout, vous désirez tout comme si vous étiez immortels », Senec.