mere en ces mots : Enfant, tu es
venu au monde pour endurer : endure, souffre,
et tais-toy. Que la douleur soit comme
naturelle à l’homme, et au contraire l’indolence
et le plaisir chose estrangere, il appert par
ces trois mots. Toutes les parties de l’homme
sont capables de douleur, fort peu capables
de plaisir. Les parties capables de plaisir n’en
peuvent recevoir que d’une sorte ou de deux :
mais toutes peuvent recevoir un très grand
nombre de douleurs toutes differentes, chaud,
froid, piqueure, froisseure, foulure, esgratigneure,
escorcheure, meurtrissure, cuyson, langueur,
extension, oppression, relaxation, et
infinis autres qui n’ont point de nom propre,
sans compter ceux de l’ame ; tellement que
l’homme est plus puissant à souffrir qu’à exprimer.
L’homme ne peut gueres durer au plaisir ;
le plaisir du corps est feu de paille ; s’il duroit,
il apporteroit de l’ennuy et desplaisir : mais
les douleurs durent fort long-temps, n’ont
point leurs certaines saisons comme les plaisirs.
Aussi l’empire et commandement de la
douleur est bien plus grand, plus universel,
plus puissant, plus durable, et, en un mot,
plus naturel, que du plaisir.
A ces trois l’on peut adjouster autres trois [1]. La
- ↑ Sous-entendu maux. Il y a ici une erreur dans l'édition de Dijon, qui est ordinairement si exacte. On y lit : « à ces mots l'on peut adjouter autres trois ». D'abord ce la ne se trouve dans aucune édition antérieure ; ensuite, il est