chant avec grandes estude
les causes et alimens de misere : il se fourre
aux affaires de gayeté de cœur, et tels que
quand ils s’offriroient à luy, il leur devroit
tourner le dos : ou bien par une inquietude
miserable de son esprit, ou pour faire l’habile,
l’empesché, et l’entendu, c’est-à-dire
le sot et miserable, il entreprend et remue
besongne nouvelle, ou s’entremesle de celle
d’autruy. Bref, il est si fort et incessamment
agité de soin et pensemens non seulement
inutiles et superflus, mais espineux, penibles
et dommageables, tourmenté par le present,
ennuyé du passé, angoissé pour l’advenir, qu’il
semble ne craindre rien plus que de ne pouvoir
pas estre assez miserable : dont l’on peust
justement s’escrier : ô pauvres gens, combien
endurez-vous de maux volontaires, outre les
necessaires que la nature vous envoye ! Mais
quoy ! L’homme se plaist en la misere, il
s’opiniastre à remascher et remettre continuellement
en memoire les maux passez. Il est ordinaire
à se plaindre, il encherit quelquesfois
le mal et la douleur : pour petites et legeres
choses, il se dira le plus miserable de tous :
est quaedam dolendi voluptas
[1].
Or c’est encore plus grand misere de trop
ambitieusement faire valoir la misere, que ne la
cognoistre et ne sentir pas
homo animal querulum, cupidè suis incumbens miseriis
[2].
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