cuns, et la plus part pensent que ce n’est qu’une prudence, discrétion et comportement advisé aux affaires et en la conversation. Cecy est digne du
commun, qui r’apporte presque tout au dehors,
a l’action, et ne considere gueres autre chose que
ce qui paroit : il est tout aux yeux et aux oreilles,
les mouvemens internes le touchent et luy poisent
fort peu : ainsi selon leur opinion la sagesse
peut estre sans pieté et sans probité essentielle ;
c’est une belle mine, une douce et modeste finesse.
D’autres pensent que c’est une singularité farouche
et espineuse, une austerité refrongnée d’opinions,
mœurs, paroles, actions, et forme de vivre, qui
pource appellent ceux qui sont feruz et touchés
de cette humeur, philosophes, c’est a dire en
leur jargon, fantasques, bigearres, heteroclites.
Or telle sagesse, selon la doctrine de nostre livre,
est plustot une folie et extravagance. Il faut donc
apprendre que c’est d’autres gens que du commun :
sçavoir est des philosophes et theologiens,
qui tous deux l’ont traittée en leurs doctrines morales :
ceux-là plus au long, et par exprès comme
leur vray gibbier, leur propre et formel sujet,
car ils s’occupent à ce qui est de la nature, et au
faire : la theologie monte plus haut, s’attend et
s’occupe aux vertus infuses, théoriques et divines,
c’est à dire a la sagesse divine et au croire.
Ainsi ceux-là s’y sont plus arrestés et plus
es-
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PRÉFACE.