rassis, et sain estat, n’est capable que de choses communes, ordinaires, naturelles, mediocres. Pour estre capable des divines, surnaturelles, comme de la
divination, prophetie, revelation, invention, et,
comme l’on dict, entrer au cabinet des dieux,
faut qu’il soit malade, disloqué, desplacé de
son assiette naturelle, et comme corrompu,
corruptus,
[1]
ou par extravagance, exstaze,
enthousiasme, ou par assopissement : d’autant
que, comme l’on sçait, les deux voyes naturelles
d’y parvenir sont la fureur et le sommeil.
Et ainsi l’esprit n’est jamais si sage que
quand il est fol, ny plus veillant que quand il
dort ; jamais ne rencontre mieux que quand
il va de costé et de travers ; ne va, ne vole et
ne voit si haut que quand il est abbatu et au
plus bas. Et ainsi faut qu’il soit miserable,
comme perdu et hors de soy, pour estre heureux. Cecy ne tousche aucunement la disposition divine ; car Dieu peust bien à qui et quand il luy plaist se reveler, et que l'homme demeure en sens rassis, comme l'escriture raconte de Moyse et autres.
16. Finalement, y pourroit-il avoir plus grande faute en jugement que n’estimer poinct le jugement,
- ↑ Il paraîtrait d'abord qu'on devrait lire ici corruptus ; mais les meilleures éditions portent correptus, mot qui, en effet, est expliqué par ce qui suit. — Au reste, cette pensée est prise presque textuellement du Timée de Platon. V. Plat. pag. 725 de l'édit, de ses œuvres. Basle, 1546.