prosperité (j’entends que soit sans aucune
cause ou esmotion certaine et particuliere
de hayne, c’est autre chose, provenant
du vice singulier de la personne) ; je parle icy
de la condition commune et naturelle, par laquelle,
sans aucune particuliere malice, les
moins mauvais prennent plaisir à voir des gens
courir fortune sur mer, se faschent d’estre
precedés de leurs compagnons, que la fortune
dise mieux à autruy qu’à eux ; rient quand
quelque petit mal arrive à un autre : cela
tesmoigne une semence malicieuse en nous.
Enfin pour monstrer combien grande est nostre misere, je diray que le monde est remply de trois sortes de gens qui y tiennent grande place en nombre et reputation ; les superstitieux ; les formalistes [1], les pedans, qui bien que soient en divers subjects, ressorts, et theatres (les trois principaux, religion, vie ou conversation, et doctrine) si sont-ils battus à mesme coin, esprits foibles, mal nez, ou très mal instruicts, gens très-dangereux en jugement, touchez de maladie presque incurable. C’est peine perdue de parler à ces gens-là pour les faire radviser ; car ils s’estiment les meilleurs et plus sages du monde : l’opiniastreté est là en son siege. Qui est une fois feru [2]