la seule, ou bien la meilleure
reigle de bien vivre. Ces gens sont de
l’eschole et du ressort d’Aristote, affirmatifs,
positifs, dogmatistes, qui regardent plus
l’utilité que la vérité, ce qui est propre à l’usage
et trafic du monde, qu’ à ce qui est bon et vray
en soy. En cette classe y a très grand nombre et
diversité de degrés ; les principaux et plus habiles
d’entr’eux gouvernent le monde, et ont
les commandemens en main. Au troisiesme
et plus haut estage sont les hommes doués
d’un esprit vif et clair, jugement fort, ferme
et solide, qui ne se contentent d’un ouy dire,
ne s’arrestent aux opinions communes et receues,
ne se laissent gagner et preoccuper à
la creance publique, de laquelle ils ne
s’estonnent point, sçachant qu’il y a plusieurs
bourdes, faulsetés et impostures receues au
monde avec approbation et applaudissement,
voire adoration et reverence publique ; mais
examinent toutes choses qui se proposent,
sondent meurement, et cherchent sans passion
les causes, motifs, et ressorts, jusques à la
racine, aimant mieux doubter et tenir en suspens
leur creance, que par une trop molle et
lasche facilité, ou legereté, ou precipitation
de jugement, se paistre de faulseté, et affirmer
ou se tenir asseurés de chose de laquelle
ils ne peuvent avoir raison certaine. Ceux-cy
sont en petit nombre
[1], de l’eschole et
- ↑ « On ne doit juger de rien, lorsque rien n'est évident ». Bayle, Republique des Lettres, mois d'Août 1684.