sont choses fort distinctes que l’amour
et l’amitié, comme la chaleur de fievre et
maladifve, et la chaleur naturelle et saine. Le
mariage a pour sa part l’amitié, l’utilité, la
justice, l’honneur, la constance ; un plaisir
plat voirement, mais sain, ferme et plus universel.
L’amour se fonde au seul plaisir, et l’a
plus vif, aigu et cuisant : peu de mariages
succedent bien, qui sont commencez et acheminez
par les beautés et desirs amoureux ; il
y faut des fondemens plus solides et constans ;
et y faut aller d’aguet : ceste bouillante affection
n’y vaut rien ; voire est mieux conduict
le mariage par main tierce.
Cecy est bien dict sommairement et simplement. Pour une plus exacte description nous sçaurons qu’au mariage y a deux choses qui luy sont essentielles, et semblent contraires, mais ne le sont pas ; sçavoir une equalité, comme sociale et entre pareils ; et une inequalité, c’est-à-dire superiorité et inferiorité. L’equalité consiste en une entiere et parfaicte communication et communauté de toutes choses, ames, volontés, corps, biens ; loy fondamentale du mariage, laquelle, en aucuns lieux, s’estend jusques à la vie et la mort ; tellement que, le mary mort, faut que la femme suive incontinent. Cela se practique en aucuns lieux par loix publiques du pays, et souvent de si grand’ardeur qu’estant plusieurs femmes à un mary, elles contestent et plaident publiquement à qui aura l’honneur d’aller dormir (c’est leur mot) avec