Aurele, Pertinax, Diocletian, et la fin qu’ont faict
presque tous les douze premiers Caesars, et
tant d’autres après eux. Mais pource que
peu croyent cecy, et se laissent decevoir à la
belle mine, je veux plus particulierement
cotter les incommodités et miseres qui accompagnent
les souverains
[1].
Premierement, la difficulté grande de bien jouer leur roolle, et s’acquitter de leur charge ; car que doibt-ce estre que de reigler tant de gens, puis qu’ à reigler soy-mesme il y a tant de difficultés ? Il est bien plus aisé et plus plaisant de suyvre que de guider, n’avoir à tenir qu’une voye toute tracée que la tracer, à obéir qu’à commander, et respondre de soy seul que des autres encores :
Ut satiùs multò jam sit parere quietum,
Quàm regere imperio res velle[2]....
Joinct qu’il semble requis que celuy
qui commande soit meilleur que ceux à qui il
commande, ce disoit un grand commandeur,
Cyrus
[3]. Cette difficulté se monstre par la rareté,
tant peu sont tels qu’ils
doib-
- ↑ Il y a dans les Mémoires de Philippe de Commines, L. VI? C.13, unbeau passage sur la misère des roue, et qui ajouterait une grande force à ce qu'en dit Charron, comme à ce qu'en a dit Montaigne, loc. cit.
- ↑ « De manière qu'il vaut bien mieux obéir tranquillement que de vouloir gouverner ». Lucret. L. V, v. 1126
- ↑ Dans Xénophon, Pœdagog XIX. Charron cite une seconde fois ce mot de Cyrus, dans le Chapitre III du Liv. II.