d’aller et voyager par le monde
[1], estant comme prisonniers en leurs pays, voire dans leurs palais mesmes, comme enveloppés de
gens, de parleurs et regardans, et ce par-tout
où ils sont, en toutes leurs actions, voire
jusques à leur chaire percée, dont le roy
Alphonse disoit qu’en cela les asnes estoient de
meilleure condition que les roys.
Le sixiesme chef de leurs miseres est qu’ils sont privez de toute amitié et societé mutuelle [2], qui est le plus doux et le plus parfaict fruict de la vie humaine, et ne peust estre qu’entre pareils ou presque pareils. La disparité si grande les met hors du commerce des hommes ; tous ces services, humilités et bas offices, leur sont rendus par ceux qui ne les peuvent refuser, et ne viennent d’amitié, mais de subjection, ou pour s’agrandir, ou par coustume et contenance ; tesmoin que les meschans roys sont aussi bien servis, reverés, que les bons, les hays que les aymés ; l’on n’y cognoist rien, mesme appareil, mesme ceremonie : dont respondist l’empereur Julien à ses courtisans qui le louoyent de sa bonne justice : je m’enorgueillirois par adventure de ces loüanges si elles estoient dictes