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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/47

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LI
PRÉFACE.


dont il ploye et demeure esclave sous elle, comme l’estomach foible chargé de viandes qu’il ne peut cuire ny digerer : le bras foible qui n’ayant le pouvoir ny l’adresse de bien manier son baston trop fort et pesant pour luy, se lasse, et s’estourdit tout : l’esprit fort et sage le manie en maistre, en jouyt, s’en sert, s’en prevaut a son bien et advantage, forme son jugement, rectifie sa volonté, en accommode et fortifie sa lumiere naturelle, et s’en rend plus habile : ou l’autre n’en devient que plus sot, inepte, et avec cela présomptueux. Ainsi la faute ou reproche n’est point a la science, non plus qu’au vin, ou autre très bonne et forte drogue, que l’on ne pourroit accommoder a son besoin ; non est culpa vini, sed culpa bibentis [1]. Or a tels esprits foibles de nature, preoccupez, enflez, et empeschez de l’acquis, comme ennemis formels de sagesse, je fay la guerre par exprés en mon livre ; et c’est souvent sous ce mot de pedant [2], n’en trouvant point d’autre plus propre, et qui est usurpé en ce sens par plusieurs bons autheurs. En son origine grecque, il se prend en bonne part ; mais és autres langues postérieures, à cause de l’abus et mauvaise façon de se prendre et porter aux lettres et sciences, vile,

  1. « La faute n’est pas au vin, maïs au buveur ».
  2. Ce mot, ainsi que pedagogue, ne signifiait en effet dans l’origine, que précepteur d’enfant.