mots. Premierement que la sagesse qui n est
commune ny populaire, a proprement cette liberté
et authorité, jure suo singulari, de juger
de tout (c’est le privilège du sage et spirituel,
spiritualis omnia dijudicat, et à nemine judicatur
[1]), et en jugeant, de censurer et condamner
(comme la plus part erronnées) les opinions communes
et populaires. Qui le fera doncq ? Or ce
faisant ne peut qu’elle n’encoure la male-grace
et l’envie du monde.
D’ailleurs je me plains d’eux et leur reproche cette foiblesse populaire, et délicatesse feminine, comme indigne et trop tendre pour entendre chose qui vaille, et du tout incapable de sagesse : les plus fortes et hardies propositions sont les plus seantes à l’esprit fort et relevé, et n’y a rien d’estrange à celuy qui sçait que c’est que du monde : c’est foiblesse de s’estonner d’aucune chose, il faut roidir son courage, affermir son ame, l’endurcir et acerer à jouyr, sçavoir, entendre, juger toutes choses, tant estranges semblent-elles : tout est sortable et du gibbier de l’esprit, mais qu’il ne manque point a soy-mesme : mais aussi ne doit-il faire ny consentir qu’aux bonnes et belles, quand tout le monde en par-
- ↑ « L’homme spirituel juge de tout, et n’est jugé de personne». S. Paul, Ep. Ier. aux Corinthiens, chap. II, V. 15.