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LVIII
PRÉFACE


tient, qui ne sçait ce qu’il dit ny ce qu’il fait : Il n’y a que les sots qui se laissent ainsi mener, et ce livre n’est pas pour eux ; s’il estoit populairement receu et accepté, il se trouveroit bien descheu de ses pretentions : Il faut ouyr, conisiderer et faire compte des anciens, non s’y captiver qu’avec la raison : et quand on les voudroit suivre, comment fera-t-on ? Ils ne sont pas d’accord. Aristote qui a voulu sembler le plus habile, et a entreprins de faire le procez à tous ses devanciers, a dit de plus lourdes absurdités que tous, et n’est point d’accord avec soy-mesme, et ne sçait quelquefois où il en est, tesmoin les matieres de l’ame humaine, de l’éternité du monde, de la generation des vents, et des eaux, etc. Il ne se faut pas esbahir si tous ne sont de mesmee advis, mais bien se faudroit-il esbahir si tous en estoient : Il n’y a rien plus seant à la nature, et a l’esprit humain que la diversité. Le sage divin S. Paul nous met tous en liberté par ces mots : Que chacun abonde en son sens, et que personne ne juge ou condamne celuy qui fait autrement, et est d’advis contraire [1] : et le dit en matiere bien plus forte et chatouilleuse, non en fait et observation externe, où nous disons qu’il se faut conformer au commun, et a ce qui est prescript au

  1. St. Paul, aux Romains, chap. XIV, V. 5.