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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/225

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au trafic et commerce du monde, et au maniement de tous affaires, et sont huict. Le premier consiste en intelligence, c’est de bien cognoistre les personnes avec qui l’on a affaire, leur naturel propre et particulier, leur humeur, leur esprit, leur inclination, leur dessein et intention, leur procedure : cognoistre aussi le naturel des affaires que l’on traicte, et qui se proposent non seulement en leur superficie et apparence, mais penetrer au dedans non seulement voir et cognoistre les choses en soy, mais encore les accidens, les consequences, la suite. Pour ce faire, il les faut regarder à tous visages, les considerer en tous sens : il y en a qui par un costé sont très specieuses et plausibles, et par un autre sont très vilaines et pernicieuses. Or il est certain que, selon les divers naturels des personnes et des affaires, il faut changer de style et de façon de proceder, comme un nautonier, qui, selon les divers endroicts de la mer, la diversité des vents, conduict diversement les voiles et les avirons. Et qui voudroit par-tout se conduire et porter de mesme façon, gasteroit tout, et feroit le sot et ridicule. Or ceste cognoissance double de personnes et d’affaires n’est pas chose fort facile, tant l’homme est desguisé et fardé ; l’on y parvient en les considerant attentifvement et meurement, et les repassant souvent par la teste, et à diverses fois sans passion. Il faut puis après apprendre à bien justement