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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/106

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honnestes et habiles hommes, frottant et limant nostre cervelle contre la leur, comme le fer qui s’esclaircit, se nettoye et embellit par le frotter. Ceste façon est agreable, douce, naturelle. L’autre par faicts, c’est l’exemple, qui est prins non seulement des bons par imitation et similitude, mais encore des mauvais par disconvenance. Il y en a qui apprennent mieux de ceste façon par opposition et horreur du mal en autruy. C’est un usage de la justice d’en condamner un pour servir d’exemple aux autres. Et disoit le vieux Caton, que les sages ont plus à apprendre des fols que les fols des sages. Les lacedemoniens, pour retirer leurs enfans de l’yvrognerie, faisoient enyvrer devant eux leurs serfs, affin qu’ils en eussent horreur par ce spectacle. Or ceste seconde maniere, par exemple, nous apprend et plus facilement et avec plus de plaisir. Apprendre par preceptes est un chemin long, parce que nous avons peine à les entendre ; les ayant entendus, à les retenir ; après les avoir retenus, à les mettre en usage. Et difficilement nous promettons-nous d’en pouvoir tirer le fruict qu’ils nous promettent. Mais l’exemple et imitation nous apprennent sur l’ouvrage mesme, nous invitent avec beaucoup plus d’ardeur, et nous promettent