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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/202

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Mais pource que ceste craincte ne vient pas tousiours de la disposition de nature, mais souvent de la trop delicate nourriture (car, pour n’avoir esté de jeunesse nourry à la peine et au travail, nous apprehendons des choses souvent sans raison), il faut de longue main nous accoustumer à ce qui nous peust plus espouvanter, nous representer les dangers les plus effroyables où nous pouvons tomber, et de gayeté de cœur tenter quelquesfois les hazards, pour y essayer nostre courage, devancer ses mauvaises adventures, et saisir les armes de la fortune. Il nous est bien plus aisé de luy resister quand nous l’assaillons, que quand nous nous deffendons d’elle. Nous avons lors loysir de nous armer, nous prenons nos advantages, nous pourvoyons à la retraicte ; ou, quand elle nous assaut, elle nous surprend et nous choisit comme elle veust. Il faut donc qu’en l’assaillant nous apprenions à nous deffendre ; que souvent nous nous donnions de faulses alarmes, nous nous proposions les dangers qu’ont passé les grands personnages ; que nous nous souvenions comme les uns ont esvité les plus grands, pour ne s’en estre poinct estonnez ; les autres se sont perdus ez moindres, pour ne s’y estre pas bien resolus.