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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/220

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de ce que l’on desire : car la jalousie n’est qu’une deffiance de soy-mesme, et un tesmoignage de nostre peu de merite. L’empereur Aurele, à qui Faustine sa femme demandoit ce qu’il feroit si son ennemy Cassius gaignoit contre luy la bataille, dict : je ne sers poinct si mal les dieux, qu’ils me veulent envoyer une telle fortune. Ainsi ceux qui ont part en l’affection d’autruy, s’il leur advient quelque craincte de la perdre, disent : je n’honore pas si peu son amitié, qu’il m’en veuille priver. La confiance de nostre merite est un grand gage de la volonté d’autruy. Qui poursuyt quelque chose avec la vertu, est aise d’avoir un compagnon à la poursuite, car il sert de relief et d’esclat à son merite. L’imbecillité seule crainct la rencontre, pource qu’elle pense qu’estant comparée avec un autre, son imperfection paroistra incontinent. Ostez l’emulation, vous ostez la gloire et l’esperon à la vertu. Le conseil aux hommes contre ceste maladie, quand elle leur vient de leurs femmes, c’est que la pluspart des grands et galands hommes sont tombez en ce malheur, sans qu’ils en ayent faict aucun bruict : Lucullus, Caesar, Pompée, Caton, Auguste, Antonius, et tant d’autres. Mais, diras-tu, le monde le sçait et en parle : et de qui ne parle-on en ce sens du plus