Aller au contenu

Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

outre la perte du temps, distractions de ses fonctions, d’où il advient après de grands scandales. Et pource que c’est une passion violente et ensemble pipperesse, il se faut remparer contre elle, et se garder de ses appasts ; plus elle nous mignarde, plus deffions-nous-en : car elle nous veust embrasser pour nous estrangler, elle nous appaste de miel pour nous saouler de fiel. Parquoy considerons ces choses. La beauté d’autruy est chose qui est hors de nous, c’est chose qui tourne aussitost en mal qu’au bien : ce n’est en somme qu’une fleur qui passe, chose bien mince, et quasi rien que la couleur d’un corps. Recognoissant en la beauté la delicate main de nature, la faut priser comme le soleil et la lune, pour l’excellence qui y est : et venant à la jouyssance par tous moyens honnestes, se souvenir tousiours que l’usage immoderé de ce plaisir use le corps, amollit l’ame, affoiblit l’esprit ; et que plusieurs, pour s’y estre addonnez, ont perdu, les uns la vie, les autres la fortune, les autres leur esprit : et au contraire qu’il y a plus de plaisir et de gloire de vaincre la volupté qu’ à la posseder ; que la continence d’Alexandre et de Scipion a esté plus haut loüée, que les beaux visages des filles et femmes qu’ils ont prins captifves. Il y a plusieurs sortes et degrez de continence