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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/27

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car il est très difficile d’estre heureux et sage tout ensemble ; et les princes qui soustiennent une vie tant publicque, ont à fournir à tant de choses, ne voyent et n’entendent que par les yeux et les oreilles d’autruy : et tant de choses leur sont celées ! Ils ont un extreme besoin d’estre advertis, autrement ils courent grande fortune, ou ils sont bien sages. Ce bon office est rendu de bien peu de gens : il y faut, disent les sages, trois choses ; jugement ou discretion, liberté courageuse, amitié et fidelité. Elles s’assaisonnent ensemble. Peu s’en meslent par craincte de desplaire, ou faute de vraye amitié ; et, de ceux qui s’en meslent, peu le sçavent bien faire. Or, s’il est mal faict, comme une medecine donnée mal à propos, blesse sans profict, et produict presque le mesme effect avec douleur que faict la flatterie avec plaisir. Estre loué et estre reprins mal à propos, c’est mesme blesseure, et chose pareillement laide à celuy qui le faict. La verité toute noble qu’elle est, si n’a-elle pas ce privilege d’estre employée à toute heure et en toute sorte. Une saincte remonstrance peust bien estre appliquée vicieusement. Les advis et precautions pour s’y bien gouverner seront ceux-cy ; s’entend où n’y a poinct grande privauté, familiarité, confidence, ny d’authorité et puissance : car, en ces cas, n’y a lieu de garder si soigneusement ces reigles suyvantes. 1 observer le lieu et le temps : que ce ne soit en temps ny lieu de feste et de