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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/40

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LIVRE III, CHAPITRE XI. 87

mière nous procure l’admiration, l’estime ; la seconde, la bienveillance et l’amour. — Il y a des règles à suivre dans les bienfaits. D’abord il importe de ne pas donner au vice ce qui appartient au mérite et à la vertu. Mais si les méchans sont tellement mêlés avec les bons, que l’on ne puisse les séparer, il ne faut pas priver les bons des bienfaits, à cause des méchans. Ensuite, il faut donner volontiers, sans délai, sans espérance que le bienfait sera rendu ; il faut aussi que les bienfaits soient honorables pour celui qui les reçoit, et alors ils peuvent être connus du public ; tandis qu’ils doivent rester cachés s’il en résultait quelque déplaisir ou quelque honte pour celui que l’on oblige. Enfin, il faut que les bienfaits ne portent préjudice à personne : obliger l’un aux dépens de l’autre, c’est’, dit le sage, sacrifier le fils en la présence du père. 11 ne faut de la part du bienfaiteur, ni jactance, ni vanterie ; il doit renouveler les bienfaits au besoin, sans sc plaindre, sans craindre l’ingratitude. C’est humilier celui qui reçoit que d’exiger de lui des garanties, des cautions : un honnête homme est bien moins lié par des actes, que par l’honneur et la conscience. — Du bienfait naît la reconnaissance, qui, à son tour, produit des bienfaits. La reconnaissance est un devoir facile à remplir : il n’y a qu’à laisser aller, son cœur. Les bêtes —mêmes sont reconnaissantes des bienfaits. L’ingratitude, a dit un philosophe, est un vice contre nature : il y a quelque espèce de justice, et quelquefois du courage à se venger d’une injure ; mais il n’y a rien que de lâche et de honteux à méconnaître un bienfait. Voici les lois de la reconnaissance : recevoir le bienfait, avec un air de satisfaction, et même de joie, afin que le bienfaiteur ne croie pas vous avoir offensé ou humilié ; n’oublier jamais le bienfait, quand même le bienfaiteur deviendrait votre ennemi ; enfin,