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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/99

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aux estats auxquels les lettres et la science sont en credit. Qui les gouvernent ? Ce ne sont poinct les sçavans. Prenons pour exemple ce royaume, auquel la science et les lettres ont esté en plus grand honneur qu’en tout le reste du monde, et qui semble avoir succedé à Athenes : les principaux officiers de ceste couronne, connestables, mareschaux, admiraux, et puis les secretaires d’estat qui expedient tous les affaires, sont gens ordinairement du tout sans lettres. Certes plusieurs grands legislateurs, fondateurs et princes, ont banny et chassé la science, comme le venin et la peste des republiques ; Licinius, Valentinien, Mahomet, Lycurgue. Voylà la sagesse sans science. Voyons la science sans sagesse, il est bien aisé. Regardons un peu ceux qui font profession des lettres, qui viennent des escholes et universitez, et ont la teste toute pleine d’Aristote, de Ciceron, de Barthole : y a-il gens au monde plus ineptes et plus sots, et plus mal propres à toutes choses ? Dont est venu le proverbe, que pour dire sot, inepte, l’on dict un clerc, un pedant ; et pour dire une chose mal faicte, l’on la dict faicte en clerc. Il semble que la science enteste les gens, et leur donne un coup de marteau (comme l’on dict)