Page:Chartier - La Belle Dame sans merci, 1901, éd. Charpennes.djvu/18

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Vérité qui a tant heurté à l’huis et se fait ouïr dehors par publiques œuvres, ne peut avoir dedans entrée ? As-tu oublié Lucain qui t’apprit une fois que autorité de Cour ne peut jamais souffrir compagnon, et que entre gloire et envie a guerre perdurable et immortelle ? Souvienne-toi que vie curiale est de la nature des folles et dissolues femmes qui plus chérissent les derniers venus et jettent les bras au cou plus ardemment à ceux qui les pillent et diffamment, que à ceux qui trop les aiment et servent Fortune prend son déduit à faire d’un chétif méconnu impuissant orgueilleux qui tout décongnoit, et d’un haut satrape élevé en vaine gloire et en pompe, un méchant, foulé et deffait qui depuis vit en vergongne du déchet de son état, et en défiance de sa vie[1]… Si tu as le courage

  1. Les derniers venus qui pillent et diffamment. Chartier fait allusion à l’odieux La Trémoille, chétif méconnu que Fortune avait élevé naguère au rang d’un puissant orgueilleux qui tout décongnoit, tandis que, lui, Chartier, jadis en pleine faveur, depuis vit en vergongne du déchet de son état, et en défiance de sa vie. On sait qu’à la suite des heureuses négociations entreprises en Écosse auprès du roi Jacques, Charles VII voua une amitié toute particulière au poète de la Belle Dame sans