Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/229

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CCLIII.


Du plaisir que ressent le pilot harassé
De se voir dans le port, de l'excellente gloire
Qu'acquiert le general de gaigner la victoire
Apres un fort estrif sur l'ennemis lassé :

Du repos dont jouit le pelerin cassé
Ayant parachevé sa route transitoire,
Le mort est jouissant qui par le purgatoire
Du monde desbordé dans le ciel est passé

Là on ne pleure point mais on rit d'allegresse
On en souspire point mais chantent de liesse,
On en travaille point, mais on vit en repos.

O des mors au seigneur la joye desirable
Plus que celle des vifs dans le sort variable
Rend les jours plus soudains que les courriers dispos.


CCLIIII.


Comte les ans, les mois, les heures et les jours
Et les poins de ta vie, et me dis mal-habile,
Ou ils s’en sont allez comme l’ombre fragile
Ils se sont escoulez sans espoir de retours.

Nous mourons et nos jours roulent d’un viste cours
L’un l’autre se poussans comme l’onde labile
Qui ne retourne point, mais sa course mobile
D’une mesme roideur precipite tousjours :

Tousjours le tems s’enfuit, & n’est point reparable
Quand il est despensé en euvre dommageable,
L’usant et consumant en travail superflus

Nos jours ne sont sinon qu’une petite espace
Qui vole comme vent, un messager qui passe
Pour sa commission, et ne retourne plus.