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LE MESPRIS DE LA VIE, ET
CONSOLATION CONTRE LA MORT.


SONNET PREMIER.


Vous quiconque allechez des voluptez charnelles
Que vous humez, gloutons, en ce cors terrien,
Ne pouvez sans horreur dissoudre le lien
Qui detient en prison vos ames criminelles :

Ainçois tremblants de peur quant les pointes mortelles
Taschent vous renvoyer au sejour ancien
Dont vous estes issus, ne faittes cas du bien
Que la divinité à promis aus fidelles :

Venez à gorge ouverte en l’eau de mes discours
Puiser contre la mort un asseuré secours
Remettant en Dieu seul vostre unique esperance.

Icy vous treuverez que le plus seur moyen
Pour estre fait du Ciel eternel Citoyen
C’est de vivre en Justice, & mourir en constance.


II.


Celuy quiconque apprend à mourir constamment
Des-aprent à servir, & ny à violence,
Torture, ny prison dont l’extreme souffrance
Rompe de ses desseins le stable fondement.

Mediter à la mort, cest le commencement
De vivre en liberté ; douteusement balance
Sans resolution, jouet de l’inconstance
Celuy qui du trespas redoute le torment.

L’amour de ceste vie est la vapeur funeste
Qui troublant de l’esprit la nature celeste
Le fait impudemment à tout vice courir.

Jettons la en arriere, & nous verrons à l’heure
Sortir des beaus effets d’une cause meilleure ;
On ne vit jamais bien quand on craint de mourir.