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CXLIX.


Sous un masque couvert de meurdres et d’horreur
La mort douce à nos yeus effroyable s'oppose,
Et craignons beaucoup plus le masque que la chose,
Tant nos sens enchantez sont opprimez d'erreur.

L'enfantelet peureus pasme ainsi de frayeur
Quant un sien compagnon sous la metamorphose
D'une larve difforme, à ses yeus se propose
Et d'un geste insolent redouble sa terreur.

Ainsi nous estimons la mort comme ennemie
Sous un visage faus qui nous estant amie
Tire nos cors de peine, & nos ceurs hors d'emoy

Arrachons luy le masque espouvantable & blesme,
Et puis nous treuverons que cest ceste la mesme
Qu'un valeton passa n'aguiere sans effroy.


CL.


Nos peres devanciers ont mis communement
Aus lieus plus frequentez des citez emperieres,
Pres des temples sacrez les tristes cimetieres,
De nostre infirmité fidelle enseignement :

Afin que par l'objet de tant de monument
D'ossement, de convoy, d'epitaphe, & de bieres
Nous fussions avertis que les tombes meurdrieres
Consumeroient nos cors sujet à changement.

Ayons doncques toujours en l'ame & en la bouche
Le penser de la mort, & ce monstre farouche
Sur nous eslancera plus doucement ses cous.

Ainsi des fiers lions la furieuses engeance
Par conversation, & longue accoustumance
S'apprivoise à la fin, & se joüe avec nous.