Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCXXXI.


Le SOLDAT qui donna sur l'apostume ardente
De son foible ennemis au grand coup de poignart
Au lieu de le tuer, luy rendit par hasart
De son mal douloureus la guarison plaisante :

Pense aussi quant le trait de la mort ravissante
Tombera dessus toy, que ton ame depart
D'une mer de douleur, pour gouster autre part
Une vie eternelle heureuse & permanente.

La mort est de nos maus la seule guarison,
Qui renversant du cors la debile prison,
Rend à l'esprit captif la liberté ravie.

Et comme un medicin scait tirer des poisons
Contre le maus futurs des remedes fort bons
Ainsi de nostre mort procede nostre vie.


CCXXXII.


MORTEL fais que ton ceur de rien tant ne s'asseure
Hormis de tost sortir hors du cercle mondain,
Et ne remette point au jour du lendemain
De vivre justement la praticque meilleure.

Si tu n'es preparé de mourir à ceste heure
Chetif encore moins le seras tu demain,
L'estat du jour futur ne tombe au sens humain,
Et le tems avenir incertain nous demeure.

Fais du bien en vivant le plus que tu pourras,
Puisque tu ne scays quant ny comme tu mourras,
Et ne t'asseures point qu'hors de la tombe noire

Les hommes en priant te remettent aus cyeus,
Tu ne seras si tost arraché de leurs yeus,
Que tu t'escouleras de leur foible memoire.