Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 10.djvu/403

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ayant à faire, disait-il, une proposition propre à rendre la paix à son peuple. Bradshaw repoussa la demande du roi : le colonel Downes, un des juges, réclama ; la cour alla délibérer dans la chambre voisine ; Cromwell l'emporta sur le colonel : il fut décidé qu'on n'admettrait point la proposition du roi. Charles avait dessein, du moins on l'a cru, de déclarer qu'il abdiquait la couronne en faveur du prince de Galles.

Avant et pendant l'instruction du procès, on essaya, par toutes sortes de jongleries, d'échauffer l'esprit du peuple.

Un prédicateur annonça en chaire « qu'il venait d'avoir une révélation ; que pour assurer le bonheur du peuple il était urgent d'abolir la monarchie ; que le roi était visiblement Barabbas, et l'armée le Christ ; qu'il ne fallait pas imiter les Juifs, délivrer le voleur au lieu du juste ; que plus de cinq mille saints étaient dans l'armée, et des saints tels qu'il n'y en avait pas de plus grands dans le paradis ; qu'ainsi justice devait être faite du grand Barabbas de Windsor. » Ce prédicant, venu de la Nouvelle-Angleterre, s'appelait Peters ; singulière ressemblance de nom avec cet autre Peters qui contribua à la perte de Jacques second.

On vit dans ce moment critique ce que l'on a vu trop souvent : la probité commune, suffisante dans le temps de calme, insuffisante au moment du péril. Cette espèce d'honnêtes gens qui avaient voulu la révolution de bonne foi manquèrent d'énergie pour la retenir dans de justes bornes. Whitelocke, de ce troupeau des faibles, déclare qu'on rejetait la sale besogne du procès fait au roi sur l'armée ; chose naturelle, selon lui, puisque l'armée avait demandé l'accusation. Whitelocke avait raison ; mais l'armée n'entendait pas la chose comme cela : elle prétendait rendre les parlementaires exécuteurs de ses hautes oeuvres. Whitelocke, commissaire du sceau, s'alla cacher à la campagne avec son collègue Weddrington ; Elsing, clerc du parlement, résigna sa charge.

John Cromwell, alors au service de Hollande, vint en Angleterre de la part du prince de Galles et du prince d'Orange pour tâcher de sauver le roi. Introduit, avec beaucoup de peine, auprès d'Olivier, son cousin, il chercha à l'effrayer de l'énormité du crime prêt à se commettre ; il lui représenta, à lui Olivier Cromwell, qu'il l'avait vu jadis à Hamptoncourt dans des opinions plus loyales. Olivier répliqua que les temps étaient changés, qu'il avait jeûné et prié pour Charles, mais que le ciel n'avait point encore donné de réponse. John s'emporta, et alla fermer la porte ; Olivier crut que son cousin le voulait poignarder : « Retournez à votre auberge, lui dit-il, et ne vous couchez qu'après avoir entendu parler de moi. » A une heure du matin,