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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/187

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Les paysages riants auront leur tour, quoiqu’en général ils soient moins attachants dans leur composition, soit que l’image du bonheur convienne peu aux hommes, soit que l’art ne trouve que de faibles ressources dans la peinture des plaisirs champêtres, réduits pour la plupart à des danses et à des chants. Il y a pourtant certains caractères généraux propres à ces sortes de vues : le feuillé doit être léger et mobile, le lointain indéterminé sans être vaporeux, l’ombre peu prononcée, et il doit régner sur toute la scène une clarté suave qui veloute la surface des objets.

Le paysagiste apprendra l’influence des divers horizons sur la couleur des tableaux : si vous supposez deux vallons parfaitement identiques, dont l’un regarde le midi et l’autre le nord, les tons, la physionomie, l’expression morale de ces deux vues semblables seront dissemblables.

La perspective aérienne est d’une difficulté prodigieuse ; cependant il y faut savoir placer la perspective linéaire des plans de la terre, et détacher sur les parties fuyantes les nuages, si différents aux différentes heures du jour. La nuit même a ses couleurs ; il ne suffit pas de faire la lune pâle pour la faire belle : la chaste Diane a aussi ses amours, et la pureté de ses rayons ne doit rien ôter à l’inspiration de sa lumière.

Cette lettre est déjà d’une extrême longueur, et je n’ai encore qu’effleuré un sujet inépuisable. Tout ce que j’ai voulu vous dire aujourd’hui, c’est que le paysage doit être dessiné sur le nu, si on le veut faire ressemblant, et en accuser pour ainsi dire les muscles, les os et les formes. Des études de cabinet, des copies sur des copies, ne remplaceront jamais un travail d’après nature. Atticæ plurimam salutem.