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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/44

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leurs jours et avec une charité infatigable, étaient parvenus chez plusieurs nations à faire substituer un esclavage assez doux aux horreurs du bûcher. Les Muscogulges n’avaient point encore adopté cette coutume, mais un parti nombreux s’était déclaré en sa faveur. C’était pour prononcer sur cette importante affaire que le Mico convoquait les Sachems. On me conduit au lieu des délibérations.

« Non loin d’Apalachucla s’élevait, sur un tertre isolé, le pavillon du conseil. Trois cercles de colonnes formaient l’élégante architecture de cette rotonde. Les colonnes étaient de cyprès poli et sculpté ; elles augmentaient en hauteur et en épaisseur et diminuaient en nombre à mesure qu’elles se rapprochaient du centre, marqué par un pilier unique. Du sommet de ce pilier partaient des bandes d’écorce, qui, passant sur le sommet des autres colonnes, couvraient le pavillon en forme d’éventail à jour.

« Le conseil s’assemble. Cinquante vieillards, en manteau de castor, se rangent sur des espèces de gradins faisant face à la porte du pavillon. Le grand chef est assis au milieu d’eux, tenant à la main le calumet de paix à demi coloré pour la guerre. À la droite des vieillards se placent cinquante femmes couvertes d’une robe de plumes de cygne. Les chefs de guerre, le tomahawk[1] à la main, le pennage en tête, les bras et la poitrine teints de sang, prennent la gauche.

« Au pied de la colonne centrale brûle le feu du conseil. Le premier jongleur, environné des huit gardiens du temple, vêtu de longs habits et portant un hibou empaillé sur la tête, verse du baume de copalme sur la flamme et offre un sacrifice au soleil. Ce triple rang de vieillards, de matrones, de guerriers ; ces prêtres, ces nuages d’encens, ce sacrifice, tout sert à donner à ce conseil un appareil imposant.

« J’étais debout enchaîné au milieu de l’assemblée. Le sacrifice achevé, le Mico prend la parole, et expose avec simplicité l’affaire qui rassemble le conseil. Il jette un collier bleu dans la salle, en témoignage de ce qu’il vient de dire.

« Alors un Sachem de la tribu de l’Aigle se lève, et parle ainsi :

« Mon père le Mico, Sachems, matrones, guerriers des quatre tribus de l’Aigle, du Castor, du Serpent et de la Tortue, ne changeons rien aux mœurs de nos aïeux ; brûlons le prisonnier, et n’amollissons point nos courages. C’est une coutume des blancs qu’on vous propose, elle ne peut être que pernicieuse. Donnez un collier rouge qui contienne mes paroles. J’ai dit. »

« Et il jette un collier rouge dans l’assemblée.

  1. La hache.