Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces prés riants entourés d’aunes verts,
Où l’onde molle énerve la pensée,
Où sur les fleurs l’âme rêve bercée
Aux doux accords du feuillage et des airs.
Ces prés riants que l’aquilon moissonne.
Plaisent aux cœurs. Vers la terre courbés
Nous imitons, ou flétris ou tombés,
L’herbe en hiver et la feuille en automne.


VIII

LA MER.


Des vastes mers tableau philosophique,
Tu plais au cœur de chagrins agité :
Quand de ton sein, par les vents tourmenté.
Quand des écueils et des grèves antiques
Sortent des bruits, des voix mélancoliques.
L’âme attendrie en ses rêves se perd,
Et, s’égarant de penser en penser
Comme les flots de murmure en murmure,
Elle se mêle à toute la nature :
Avec les vents, dans le fond des déserts.
Elle gémit le long des bois sauvages,
Sur l’Océan vole avec les orages,
Gronde en la foudre et tonne dans les mers.

Mais quand le jour sur les vagues tremblantes
S’en va mourir ; quand, souriant encor,
Le vieux soleil glace de pourpre et d’or
Le vert changeant des mers étincelantes,
Dans des lointains fuyants et veloutés
En enfonçant ma pensée et ma vue,
j’aime à créer des mondes enchantés,
Baignés des eaux d’une mer inconnue.
L’ardent désir, des obstacles vainqueur,