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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/571

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Par quel enchantement ai-je pu te séduire ?
N’aurois-tu point dans mon dernier soleil
Cherché l’astre de feu qui sur moi sembloit luire
Quand de Sapho je chantois le réveil ?

Je n’ai point le talent qu’on encense au Parnasse.
Eussé-je un temple au sommet d’Hélicon,
Le talent ne rend point ce que le temps efface ;
La gloire, hélas ! ne rajeunit qu’un nom.

Le Guerrier de Samos, le Berger d’Aphélie[1]
Mes fils ingrats, m’ont-ils ravi ta foi ?
Ton admiration me blesse et m’humilie :
Le croirois-tu ? je suis jaloux de moi.

Que m’importe de vivre au delà de ma vie ?
Qu’importe un nom par la mort publié ?
Pour moi-même un moment aime-moi, ma Lydie,
Et que je sois à jamais oublié !



III.

MILTON ET DAVENANT.


Londres, 1797.


Charles avoit péri : des bourreaux-commissaires,
Des lois qu’on appeloit révolutionnaires,
L’exil et l’échafaud, la confiscation…
C’étoit la France enfin sous la Convention.

Dans les nombreux suivants de l’étendard du crime
L’Angleterre voyoit un homme magnanime :
Milton, le grand Milton (pleurons sur les humains)
Prodiguoit son génie à de sots puritains ;
Il détestoit surtout, dans son indépendance,
Ce parti malheureux qu’une noble constance
Attachoit à son roi. Par ce zèle cruel,
Milton s’étoit flétri des honneurs de Cromwell.

  1. Deux ouvrages d’Alcée.