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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/586

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Voilà le fantôme suprême,
François, qui va régner sur vous
Du républicain diadème
Portez le poids léger et doux.
L’anarchie et le despotisme,
Au vil autel de l’athéisme,
Serrent un nœud ensanglanté,
Et s’embrassant dans l’ombre impure,
Ils jouissent de la torture
De leur double stérilité.

L’échafaud, la torche fumante,
Couvrent nos campagnes de deuil.
La Révolution béante
Engloutit le fils et l’aïeul.
L’adolescent qu’atteint sa rage
Va mourir au champ du carnage
Ou dans un hospice exilé ;
Avant qu’en la tombe il s’endorme,
Sur un appui de chêne ou d’orme,
Il traîne un buste mutilé.

Ainsi quand l’affreuse Chimère[1]
Apparut non loin d’Ascalon,
En vain la tendre et foible mère
Cacha ses enfants au vallon.
Du Jourdain les roseaux frémirent :
Au Liban les cèdres gémirent,
Les palmiers à Jézerael,
Et le chameau, laissé sans guides,
Pleura dans les sables arides
Avec les femmes d’Ismael.

Napoléon de son génie
Enfin écrase les pervers ;
L’ordre renaît : la France unie
Reprend son rang dans l’univers.
Mais, géant, fils aîné de l’homme,
Faut-il d’un trône qu’on te nomme

  1. Prise ici pour le monstre marin d’Andromède.