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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/194

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Livre Treizième.

Cymodocée déclare à son père qu’elle veut embrasser la religion des chrétiens pour devenir l’épouse d’Eudore. Irrésolution de Démodocus. On apprend l’arrivée d’Hiéroclès en Achaïe. Astarté attaque Eudore, et est vaincu par l’ange des saintes amours. Démodocus consent à donner sa fille à Eudore pour éviter les persécutions d’Hiéroclès. Jalousie d’Hiéroclès. Dénombrement des chrétiens en Arcadie. Hiéroclès accuse Eudore auprès de Dioclétien. Cymodocée et Démodocus partent pour Lacédémone.

Déjà le prêtre d’Homère offroit une libation au soleil sortant de l’onde. Il saluoit cet astre dont la lumière éclaire les pas du voyageur, et, touchant d’une main la terre humide de rosée, il se préparoit à quitter le toit de Lasthénes. Tout à coup Cymodocée, tremblante de crainte et d’amour, se présente devant son père. Elle se jette dans les bras du vieillard. Démodocus avoit aisément deviné la raison du trouble qui commençoit à tourmenter la prêtresse des Muses ; mais comme il ne savoit point encore que le fils de Lasthénès partageoit le même amour, il cherche à consoler Cymodocée.

« Ma fille, lui dit-il, quelle divinité t’a frappée ? Tu pleures, toi dont l’âge ne devroit connoître que les ris innocents ! Quelque peine cachée se seroit-elle glissée dans ton sein ? Ô mon enfant ! ayons recours aux autels des dieux préservateurs, à la compagnie des sages, qui rend à notre âme sa tranquillité première. Le temple de Junon Lacinienne est ouvert de tous côtés, et toutefois les vents ne dispersent point dans son enceinte les cendres du sacrifice : tel doit être notre cœur : si les souffles des passions y pénètrent, il faut du moins qu’ils ne troublent jamais l’inaltérable paix de son sanctuaire. »

« Père de Cymodocée, répond la jeune Messénienne, tu ne sais pas notre bonheur ! Eudore aime ta fille ; il veut, dit-il, suspendre à ma porte les couronnes d’hyménée. »

« Dieux des ingénieux mensonges, s’écria Démodocus, ne m’as-tu