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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/154

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de pastèques, de raisins, de concombres et d’herbes de différentes sortes : à la beauté du ciel et à l’espèce de culture près, on aurait pu se croire dans les environs de Chambéry. Nous traversâmes la Tiase, et nous arrivâmes à Amyclée, où je ne trouvai qu’une douzaine de chapelles grecques dévastées par les Albanais, et placées à quelque distance les unes des autres au milieu de champs cultivés. Le temple d’Apollon celui d’Eurotas à Onga, le tombeau d’Hyacinthe, tout a disparu. Je ne pus découvrir aucune inscription : je cherchai pourtant avec soin le fameux nécrologe des prêtresses d’Amyclée, que l’abbé Fourmont copia en 1731 ou 1732, et qui donne une série de près de mille années avant Jésus-Christ. Les destructions se multiplient avec une telle rapidité dans la Grèce, que souvent un voyageur n’aperçoit pas le moindre vestige des monuments qu’un autre voyageur a admirés quelques mois avant lui. Tandis que je cherchais des fragments de ruines antiques parmi des monceaux de ruines modernes, je vis arriver des paysans conduits par un papas ; ils dérangèrent une planche appliquée contre le mur d’une des chapelles, et entrèrent dans un sanctuaire que je n’avais pas encore visité. J’eus la curiosité de les y suivre, et je trouvai que ces pauvres gens priaient avec leurs prêtres dans ces débris : ils chantaient les litanies devant une image de la Panagia 15, barbouillée en rouge sur un mur peint en bleu. Il y avait bien loin de cette fête aux fêtes d’Hyacinthe ; mais la triple pompe des ruines, des malheurs et des prières au vrai Dieu effaçait à mes yeux toutes les pompes de la terre.

Mes guides me pressaient de partir, parce que nous étions sur la frontière des Maniottes, qui, malgré les relations modernes, n’en sont pas moins de grands voleurs. Nous repassâmes la Tiase, et nous retournâmes à Misitra par le chemin de la montagne. Je relèverai ici une erreur qui ne laisse pas de jeter de la confusion dans les cartes de la Laconie. Nous donnons indifféremment le nom moderne d’ Iris ou Vasilipotamos à l’Eurotas. La Guilletière, ou plutôt Guillet, ne sait où Niger a pris ce nom d’ Iris, et M. Pouqueville paraît également étonné de ce nom. Niger et Mélétius, qui écrivent Neris par corruption, n’ont pas cependant tout à fait tort. L’Eurotas est connu à Misitra sous le nom d’ Iri (et non pas d’ Iris) jusqu’à sa jonction avec la Tiase : il prend alors le nom de Vasilipotamos, et il le conserve le reste de son cours.

Nous arrivâmes dans la montagne au village de Parori, où nous vîmes une grande fontaine appelée Chieramo : elle sort avec abondance