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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/177

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pommeau d’une épée : ce conte est de Pausanias. En voulant regagner le chemin de Corinthe, j’entendis le sol retentir sous les pas de mon cheval. Je mis pied à terre, et je découvris la voûte d’un autre tombeau.

Pausanias compte à Mycènes cinq tombeaux ; le tombeau d’Atrée, celui d’Agamemnon, celui d’Eurymédon, celui de Télédamus et de Pélops, et celui d’Electre. Il ajoute que Clytemnestre et Egisthe étaient enterrés hors des murs : ce serait donc le tombeau de Clylemnestre et d’Egisthe que j’aurais retrouvé ? Je l’ai indiqué à M. Fauvel, qui doit le chercher à son premier voyage à Argos singulière destinée qui me fait sortir tout exprès de Paris pour découvrir les cendres de Clytemnestre !

Nous laissâmes Némée à notre gauche, et nous poursuivîmes notre route : nous arrivâmes de bonne heure à Corinthe, par une espèce de plaine que traversent des courants d’eau et que divisent des monticules isolés, semblables à l’Acro-Corinthe, avec lequel ils se confondent. Nous aperçûmes celui-ci longtemps avant d’y arriver, comme une masse irrégulière de granit rougeâtre, couronnée d’une ligne de murs tortueux. Tous les voyageurs ont décrit Corinthe. Spon et Wheler visitèrent la citadelle, où ils retrouvèrent la fontaine Pyrène ; mais Chandler ne monta point à l’Acro-Corinthe, et M. Fauvel nous apprend que les Turcs n’y laissent plus entrer personne. En effet, je ne pus même obtenir la permission de me promener dans les environs, malgré les mouvements que se donna pour cela mon janissaire. Au reste, Pausanias dans sa Corinthie, et Plutarque dans la Vie d’Aratus, nous ont fait connaître parfaitement les monuments et les localités de l’Acro-Corinthe.

Nous étions venus descendre à un kan assez propre, placé au centre de la bourgade, et peu éloigné du bazar. Le janissaire partit pour la provision, Joseph prépara le dîner ; et pendant qu’ils étaient ainsi occupés j’allai rôder seul dans les environs.

Corinthe est situé au pied des montagnes, dans une plaine qui s’étend jusqu’à la mer de Crissa, aujourd’hui le golfe de Lépante, seul nom moderne qui dans la Grèce rivalise de beauté avec les noms antiques. Quand le temps est serein, on découvre par delà cette mer la cime de l’Hélicon et du Parnasse, mais on ne voit pas de la ville même la mer Saronique ; il faut pour cela monter à l’Acro-Corinthe : alors on aperçoit non seulement cette mer, mais les regards s’étendent jusqu’à la citadelle d’Athènes et jusqu’au cap Colonne : " C’est, dit Spon, une des plus belles vues de l’univers. " Je le crois aisément ; car même au pied de l’Acro-Corinthe la perspective est enchanteresse.