Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/259

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" Son empire, dit le prophète, est donné aux quatre vents du ciel 18. . " Nous nous arrêtâmes pendant trois heures à Sousonghirli, et je les passai tout entières à contempler le Granique. Il est très encaissé ; son bord occidental est raide et escarpé ; l’eau, brillante et limpide, coule sur un fond de sable. Cette eau dans l’endroit où je l’ai vue n’a guère plus de quarante pieds de largeur, sur trois et demi de profondeur ; mais au printemps elle s’élève et roule avec impétuosité.

Nous quittâmes Sousonghirli à deux heures de l’après-dîner ; nous traversâmes le Granique, et nous nous avançâmes dans la plaine de la Mikalicie 19. , qui était comprise dans la Mysie des anciens. Nous vînmes coucher à Tehutitsi, qui est peut-être le Squeticui de Tournefort. Le kan se trouvant rempli de voyageurs, nous nous établîmes sous de grands saules plantés en quinconce.

Le 11, nous partîmes au lever du jour, et, laissant à droite la route de Burse, nous continuâmes à marcher dans une plaine couverte de joncs terrestres, où je remarquai les restes d’un aqueduc.

Nous arrivâmes à neuf heures du matin à Mikalitza, grande ville turque, triste et délabrée, située sur une rivière à laquelle elle donne son nom. Je ne sais si cette rivière n’est point celle qui sort du lac Abouilla : ce qu’il y a de certain, c’est qu’on découvre au loin un lac dans la plaine. Dans ce cas, la rivière de Mikalitza serait le Rhyndaque, autrefois le Lycus, qui prenait sa source dans le Stagnum Artynia ; d’autant plus qu’elle a précisément à son embouchure la petite île (Besbicos) indiquée par les anciens. La ville de Mikalitza n’est pas très éloignée du Lopodion de Nicétas, qui est le Loupadi de Spon, le Lopadi, Loubat et Ouloubat de Tournefort. Rien n’est plus fatigant pour un voyageur que cette confusion dans la nomenclature des lieux ; et si j’ai commis à ce propos des erreurs presque inévitables, je prie le lecteur de se souvenir que des hommes plus habiles que moi s’y sont trompés 20. .

Nous abandonnâmes Mikalitza à midi, et nous descendîmes, en suivant le bord oriental de la rivière, vers des terres élevées qui forment