Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les Pères de Terre Sainte ne pouvaient guère s’enrichir de leur dépouille. Ecoutons le sincère Doubdan :

" Les religieux qui y demeurent (au couvent de Saint-sauveur) militants sous la règle de saint François y gardent une pauvreté très étroite, et ne vivent que des aumônes et charités qu’on leur envoie de la chrétienté et que les pèlerins leur donnent, chacun selon ses facultés ; mais comme ils sont éloignés de leur pays et savent les grandes dépenses qui leur restent à faire pour le retour, aussi n’y laissent-ils pas de grandes aumônes ; ce qui n’empêche pas qu’ils n’y soient reçus et traites avec grande charité 55. . "

Ainsi les pèlerins de Terre Sainte qui doivent laisser des trésors à Jérusalem ne sont point des pèlerins catholiques ; ainsi la partie de ces trésors qui devient l’héritage des couvents ne tombe point entre les mains des religieux latins. Si ces religieux reçoivent des aumônes de l’Europe, ces aumônes, loin de les enrichir, ne suffisent pas à la conservation des lieux saints, qui croulent de toutes parts, et qui seront bientôt abandonnés faute de secours. La pauvreté de ces religieux est donc prouvée par le témoignage unanime des voyageurs. J’ai déjà parlé de leurs souffrances ; s’il en faut d’autres preuves, les voici :

" Tout ainsi, dit le père Roger, que ce fut un religieux français qui eut possession des saints lieux de Jérusalem, aussi le premier religieux qui a souffert le martyre fut un Français nommé frère Limin, de la province de Touraine, lequel fut décapité au Grand-Caire. Peu de temps après, frère Jacques et frère Jérémie furent mis à mort hors des portes de Jérusalem. Frère Conrad d’Alis Barthélemy, du mont Politian, de la province de Toscane, fut fendu en deux, depuis la tête jusqu’en bas, dans le Grand-Caire. Frère Jean d’Ether, Espagnol de la province de Castille, fut taillé en pièces par le bacha de Casa. Sept religieux furent décapités par le sultan d’Égypte. Deux religieux furent écorchés tout vifs en Syrie.

" L’an 1637, les Arabes martyrisèrent toute la communauté des frères qui étaient au sacré mont de Sion, au nombre de douze. Quelque temps après, seize religieux, tant clercs que laïques, furent menés de Jérusalem en prison à Damas (ce fut lorsque Chypre fut pris par le roi d’Alexandrie), et y demeurèrent cinq ans, tant que l’un après l’autre y moururent de nécessité. Frère Cosme de Saint-François fut tué par les Turcs à la porte du Saint-Sépulcre, où il prêchait la foi chrétienne. Deux autres frères, à Damas, reçurent tant