Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/392

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CINQUIÈME PARTIE




SUITE DU VOYAGE A JÉRUSALEM


Le 10, de grand matin, je sortis de Jérusalem par la porte d’Ephraïm, toujours accompagné du fidèle Ali, dans le dessein d’examiner les champs de bataille immortalisés par le Tasse. Arrivé au nord de la ville, entre la grotte de Jérémie et les sépulcres des rois, j’ouvris La Jérusalem délivrée, et je fus sur-le-champ frappé de la vérité de l’exposition du Tasse :

Gerusalem sevro due colli è posta, etc.

Je me servirai d’une traduction qui dispense de l’original :

" Solime est assise sur deux collines opposées et de hauteur inégale ; un vallon les sépare et partage la ville : elle a de trois côtés un accès difficile. Le quatrième s’élève d’une manière douce et presque insensible ; c’est le côté du nord : des fossés profonds et de hautes murailles l’environnent et la défendent.
" Au dedans sont des citernes et des sources d’eau vive ; les dehors n’offrent qu’une terre aride et nue, aucune fontaine, aucun ruisseau ne l’arrose ; jamais on n’y vit éclore de fleurs ; jamais arbre, de son superbe ombrage, n’y forma un asile contre les rayons du soleil. Seulement, à plus de six milles de distance, s’élève un bois dont l’ombre funeste répand l’horreur et la tristesse.
" Du côté que le soleil éclaire de ses premiers rayons, le Jourdain roule ses ondes illustres et fortunées. A l’occident, la mer Méditerranée mugit sur le sable qui l’arrête et la captive. Au nord est Béthel, qui éleva des autels au veau d’or, et l’infidèle Samarie. Bethléem, le berceau d’un Dieu, est du côté qu’attristent les pluies et les orages. "