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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/53

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PRÉFACE


DE LA TROISIÈME ÉDITION


Un rare spectacle a été donné au monde depuis la publication de la dernière édition de cette Note : deux princes ont tour à tour refusé l’empire, et se sont montrés également dignes de la couronne en renonçant à la porter.

Quoique cette couronne soit enfin restée sur la tête du grand-duc Nicolas, et que l’avant-propos de la Note parle de Constantin comme empereur, on n’a rien changé au texte de cet avant-propos. Il y a une politique commune à tous les rois : c’est celle qui est fondée sur les principes éternels de la religion et de la justice ; bien différente de cette politique qu’il faut accommoder aux temps et aux hommes, de cette politique qui vous oblige de rétracter le lendemain ce que vous avez écrit la veille, parce qu’un événement est arrivé, parce qu’un monarque a disparu.

Mais serait-ce le sort de cette Grèce infortunée de voir tourner contre elle jusqu’aux vertus mêmes qui la pourraient secourir ? Le temps employé à une lutte où les progrès des idées du siècle se sont fait remarquer au milieu de la résistance des mœurs nationales et militaires, ce temps a été perdu pour le salut d’un peuple dont on presse l’extermination : tandis que deux frères se renvoyaient généreusement le diadème, les Grecs, héritiers les uns des autres, se léguaient en mourant la couronne du martyre, et pas un d’eux n’a refusé d’en parer sa tête. Mais ces monarques à la façon de la religion, de la liberté et du malheur, se succèdent rapidement sur leur trône ensanglanté ; cette race royale sera bientôt épuisée : on ne saurait trop se hâter, si l’on en veut sauver le reste.

On assure qu’Ibrahim, arrivé à Patras, va faire transporter une partie de son armée à Missolonghi. Cette place, assiégée depuis près d’un an, et qui a résisté aux bandes tumultueuses de Reschid-Pacha, pourra-t-elle, avec des remparts à moitié détruits, des moyens de défense épuisés, une garnison affaiblie, résister aux brigands disciplinés d’Ibrahim ? Au moment même où l’on publie la nouvelle édition de cette Note, le voyageur cherche peut-être en vain Missolonghi, comme ce messager de l’ancienne Athènes qui en