Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/90

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Quoi qu’il en soit, la frayeur que ce prince répandit en Europe produisit un des événements les plus singuliers de l’histoire. Théodore Porphyrogène, despote de Sparte, était frère d’Andronic et d’Emmanuel, tour à tour empereurs de Constantinople. Bajazet menaçait la Morée d’une invasion : Théodore, ne croyant pas pouvoir défendre sa principauté, voulut la vendre aux chevaliers de Rhodes76. Philibert de Naillac, prieur d’Aquitaine et grand maître de Rhodes, acheta, au nom de son ordre, le despotat de Sparte. Il y envoya deux chevaliers français, Raymond de Leytoure, prieur de Toulouse, et Elie du Fossé, commandeur de Sainte-Maixance, prendre possession de la patrie de Lycurgue. Le traité fut rompu, parce que Bajazet, obligé de repasser en Asie, tomba entre les mains de Tamerlan. Les deux chevaliers, qui s’étaient déjà établis à Corinthe, rendirent cette ville, et Théodore remit de son côté l’argent qu’il avait reçu pour le prix de Lacédémone.

Le successeur de Théodore fut un autre Théodore, neveu du premier et fils de l’empereur Emmanuel. Théodore II épousa une Italienne de la maison de Malatesta. Les chefs de cette illustre maison prirent dans la suite, à cause de cette alliance, le titre de ducs de Sparte77.

Théodore laissa à son frère Constantin, surnommé Dragazès, la principauté de la Laconie. Ce Constantin, qui monta sur le trône de Constantinople, fut le dernier empereur d’Orient.

Tandis qu’il n’était encore que prince de Lacédémone, Amurat II envahit la Morée, et se rendit maître d’Athènes78. Mais cette ville retourna promptement sous la domination de la famille Reinier Acciajuoli.

L’empire d’Orient n’existait plus, et les derniers restes de la grandeur romaine venaient de s’évanouir79 ; Mahomet II était entré à Constantinople. Toutefois la Grèce, menacée d’un prochain esclavage, ne portait point encore les chaînes qu’elle se hâta de demander aux musulmans. Francus, fils du second Antoine, appela Mahomet II à Athènes, pour dépouiller la veuve de Nérius80. Le sultan, qui faisait servir ces querelles intestines à l’accroissement de sa puissance, favorisa le parti de Francus