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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/133

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les derniers froids étoient passés, les femmes siminoles, chicassoises, natchez, s’armoient d’une crosse de noyer, mettoient sur leur tête des corbeilles à compartiments remplies de semailles de maïs, de graine de melon d’eau, de féveroles et de tournesols. Elles se rendoient au champ commun, ordinairement placé dans une position facile à défendre, comme sur une langue de terre entre deux fleuves ou dans un cercle de collines.

À l’une des extrémités du champ, les femmes se rangeoient en ligne et commençoient à remuer la terre avec leur crosse, en marchant à reculons.

Tandis qu’elles rafraîchissoient ainsi l’ancien labourage sans former de sillon, d’autres Indiennes les suivoient ensemençant l’espace préparé par leurs compagnes. Les féveroles et le grain de maïs étoient jetés ensemble sur le guéret, les quenouilles du maïs étant destinées à servir de tuteurs ou de rames au légume grimpant.

Des jeunes filles s’occupoient à faire des couches d’une terre noire et lavée : elles répandoient sur ces couches des graines de courge et de tournesol ; on allumoit autour de ces lits de terre des feux de bois vert, pour hâter la germination au moyen de la fumée.

Les sachems et les jongleurs présidoient au travail ; les jeunes hommes rôdoient autour du champ commun et chassoient les oiseaux par leurs cris.

FÊTES.

La fête de blé vert arrivoit au mois de juin : on cueilloit une certaine quantité de maïs tandis que le grain étoit encore en lait. De ce grain, alors excellent, on pétrissoit le tossomanony, espèce de gâteau qui sert de provisions de guerre ou de chasse.

Les quenouilles de maïs, mises bouillir dans de l’eau de fontaine, sont retirées à moitié cuites et présentées à un feu sans flamme. Lorsqu’elles ont acquis une couleur roussâtre, on les égrène dans un poutagan ou mortier de bois. On pile le grain en l’humectant. Cette pâte, coupée en tranches et séchée au soleil, se conserve un temps infini. Lorsqu’on veut en user, il suffit de la plonger dans de l’eau, du lait de noix ou du jus d’érable ; ainsi détrempée, elle offre une nourriture saine et agréable.

La plus grande fête des Natchez étoit la fête du feu nouveau, espèce de jubilé en l’honneur du soleil, à l’époque de la grande moisson : le soleil étoit la divinité principale de tous les peuples voisins de l’empire mexicain.