Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le soleil ; les assistants, le bras droit levé, présentoient les pains azymes à l’astre de la lumière. Le jongleur chantoit l’hymne du soir ; c’étoit l’éloge du soleil à son coucher : ses rayons naissants avoient fait croître le maïs, ses rayons mourants avoient sanctifié les gâteaux formés du grain de la gerbe moissonnée.

La nuit venue, on allumoit des feux ; on faisoit rôtir des oursons, lesquels, engraissés de raisins sauvages, offroient à cette époque de l’année un mets excellent. On mettoit griller sur des charbons des dindes de savanes, des perdrix noires, des espèces de faisans plus gros que ceux d’Europe. Ces oiseaux ainsi préparés s’appeloient la nourriture des hommes blancs. Les boissons et les fruits servis à ces repas étoient l’eau de smilax, d’érable, de plane, de noyer blanc, les pommes de mai, les plankmines, les noix. La plaine resplendissoit de la flamme des bûchers ; on entendoit de toutes parts les sons du chichikoué, du tambourin et du fifre, mêlés aux voix des danseurs et aux applaudissements de la foule.

Dans ces fêtes, si quelque infortuné retiré à l’écart promenoit ses regards sur les jeux de la plaine, un sachem l’alloit chercher, et s’informoit de la cause de sa tristesse ; il guérissoit ses maux s’ils n’étoient pas sans remède, ou le soulageoit du moins s’ils étoient de nature à ne pouvoir finir.

La moisson du maïs se fait en arrachant les gerbes ou en les coupant à deux pieds de hauteur sur leur tige. Le grain se conserve dans des outres ou dans des fosses garnies de roseaux. On garde aussi les gerbes entières ; on les égrène à mesure que l’on en a besoin. Pour réduire le maïs en farine, on le pile dans un mortier ou on l’écrase entre deux pierres. Les sauvages usent aussi de moulins à bras achetés des Européens.

La moisson de la folle-avoine ou de riz sauvage suit immédiatement celle du maïs, j’ai parlé ailleurs de cette moisson[1].

RÉCOLTE DU SUCRE D’ÉRABLE.

La récolte du suc d’érable se faisoit et se fait encore parmi les sauvages deux fois l’année. La première récolte a lieu vers la fin de février, de mars ou d’avril, selon la latitude du pays où croît l’érable à sucre. L’eau recueillie après les légères gelées de la nuit se convertit en sucre, en la faisant bouillir sur un grand feu. La quantité de sucre obtenue par ce procédé varie selon les qualités de l’arbre. Ce sucre,

  1. Dans Les Natchez.