Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/152

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genres, le masculin et le féminin ; il rejetoit le neutre. Cela est naturel chez des peuples qui prêtent des sens à tout, qui entendent des voix dans tous les murmures, qui donnent des haines et des amours aux plantes, des désirs à l’onde, des esprits immortels aux animaux, des âmes aux rochers. Les noms en natchez ne se déclinoient point ; ils prenoient seulement au pluriel la lettre k ou le monosyllabe ki, si le nom finissoit par une consonne.

Les verbes se distinguoient par la caractéristique, la terminaison et l’augment. Ainsi les Natchez disoient : T-ija, je marche ; ni Tija-ban, je marchois ; ni-ga Tija, je marcherai ; ni-ki Tija, je marcherai ou j’ai marché.

Il y avoit autant de verbes qu’il y avoit de substantifs exposés à la même action ; ainsi manger du maïs étoit un autre verbe que manger du chevreuil ; se promener dans une forêt se disoit d’une autre manière que se promener sur une colline ; aimer son ami se rendoit par le verbe napitilima, qui signifie j’estime ; aimer sa maîtresse s’exprimoit par le verbe nisakia, qu’on peut traduire par je suis heureux. Dans les langues des peuples près de la nature, les verbes sont ou très-multipliés ou peu nombreux, mais surchargés d’une multitude de lettres qui en varient les significations : le père, la mère, le fils, la femme, le mari, pour exprimer leurs divers sentiments, ont cherché des expressions diverses ; ils ont modifié d’après les passions humaines la parole primitive que Dieu a donnée à l’homme avec l’existence. Le verbe étoit un et renfermoit tout : l’homme en a tiré les langues avec leurs variations et leurs richesses ; langues où l’on trouve pourtant quelques mots radicalement les mêmes, restés comme type ou preuve d’une commune origine.

Le chicassais, racine du natchez, est privé de la lettre r, excepté dans les mots dérivés de l’algonquin, comme arrego, je fais la guerre, qui se prononce avec une sorte de déchirement de son. Le cliicassais a des aspirations fréquentes pour le langage des passions violentes, telles que la haine, la colère, la jalousie ; dans les sentiments tendres, dans les descriptions de la nature, ses expressions sont pleines de charme et de pompe.

Les Sioux, que leur tradition fait venir du Mexique sur le haut Mississipi, ont étendu l’empire de leur langue depuis ce fleuve jusqu’aux montagnes Rocheuses, à l’ouest, et jusqu’à la rivière Rouge, au nord : là se trouvent les Cypowois, qui parlent un dialecte de l’algonquin et qui sont ennemis des Sioux.

La langue siouse siffle d’une manière assez désagréable à l’oreille : c’est elle qui a nommé presque tous les fleuves et tous les lieux à