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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/18

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Hérodote, le père de l’histoire comme Homère est le père de la poésie, étoit comme Homère un voyageur. Il parcourut le monde connu de son temps. Avec quel charme n’a-t-il pas décrit les mœurs des peuples ! On n’avoit encore que quelques cartes côtières des navigateurs phéniciens et la mappemonde d’Anaximandre corrigée par Hécatée : Strabon cite un itinéraire du monde de ce dernier.

Hérodote ne distingue bien que deux parties de la terre, l’Europe et l’Asie ; la Libye ou l’Afrique ne sembleroit, d’après ses récits, qu’une vaste péninsule de l’Asie. Il donne les routes de quelques caravanes dans l’intérieur de la Libye, et la relation succincte d’un voyage autour de l’Afrique. Un roi d’Égypte, Nécos, fit partir des Phéniciens du golfe Arabique : ces Phéniciens revinrent en Égypte par les colonnes d’Hercule ; ils mirent trois ans à accomplir leur navigation, et ils racontèrent qu’ils avoient vu le soleil à leur droite. Tel est le fait rapporté par Hérodote.

Les anciens eurent donc, comme nous, deux espèces de voyageurs : les uns parcouroient la terre, les autres les mers. À peu près à l’époque où Hérodote écrivoit, le Carthaginois Hannon accomplissoit son Périple[1]. Il nous reste quelque chose du recueil fait par Scylax des excursions maritimes de son temps.

Platon nous a laissé le roman de cette Atlantide, où l’on a voulu retrouver l’Amérique. Eudoxe, compagnon de voyage du philosophe, composa un itinéraire universel, dans lequel il lia la géographie à des observations astronomiques.

Hippocrate visita les peuples de la Scythie : il appliqua les résultats de son expérience au soulagement de l’espèce humaine.

Xénophon tient un rang illustre parmi ces voyageurs armés qui ont contribué à nous faire connoître la demeure que nous habitons.

Aristote, qui devançoit la marche des lumières, tenoit la terre pour sphérique ; il en évaluoit la circonférence à quatre cent mille stades ; il croyoit, ainsi que Christophe Colomb le crut, que les côtes de l’Hespérie étoient en face de celles de l’Inde. Il avoit une idée vague de l’Angleterre et de l’Irlande, qu’il nomme Albion et Jerne ; les Alpes ne lui étoient point inconnues, mais il les confondoit avec les Pyrénées.

Dicéarque, un de ses disciples, fit une description charmante de la Grèce, dont il nous reste quelques fragments, tandis qu’un autre disciple d’Aris-

  1. Je l’ai donné tout entier dans l’Essai historique.